Le football suscite un incroyable engouement populaire, c’est le sport le plus populaire et le plus pratiqué au monde. Les règles simples, l’incertitude du résultat, les rares buts lors d’un match sont les raisons de ce succès. Pourtant ce sport est très (trop) peu mis en place lors de cycles en Éducation Physique et Sportive dans les écoles, collèges ou lycées (bien qu’utiliser lors des séances de fin d’année plus accès sur le ludique).
Je me permets de donner ma vision des choses sur ce sujet. Petite précision, je ne suis pas footballeur moi-même et j’ai très peu jouer au football pendant ma jeunesse.
État des lieux
Sport ayant le plus de licencié en France, le football reste une activité dont la pratique est très inégale selon les publics. Il est joué tout le temps par certains qui ont même du mal à sortir de cette activité et pratiquement jamais par d’autres.
Certaines mairies pour faire des cours d’école inclusive suppriment les cages de football.
J’ai recherché sur internet le nombre d’ouvrage dédié au football en EPS, j’en ai compté 3 : un ouvrage de Philippe Roy, un ouvrage de Maxime Travert et un livre réalisé par Revue EPS. A titre de comparaison, j’ai fait la même recherche pour le handball, j’en ai dénombré, j’en suis à 6 sans compter les nombreux articles ou dossiers disponibles sur internet.
Dans les cours d’école, la pratique du football peut-être très discriminante. Exemple vécu : un enfant de CP d’une des écoles où je travaille interdisait à ceux qui ne faisaient pas parti du club de foot local de jouer au football pendant la récréation.
Pour ma part, j’essaye dans les écoles où je travaille de proposer des cycles football. Certains enseignants acceptent mais d’autres refusent au titre qu’ils y jouent déjà tout le temps et me citent les côtés péjoratifs de ce sport.
Dans une classe, le niveau peut être très hétérogène entre un élève doué qui est la star de sa catégorie dans le club local et un autre élève qui a tapé 5 fois au pied en tout et pour tout dans un ballon au cours de sa vie. Il est clair que pour l’enseignant, c’est l’activité où il y aura le plus de différence de niveau dans la classe.
Si je me permets de publier ce texte, c’est parce que je suis pour que des cycles football soient programmés en EPS et cela dès les petites classes. Par la suite, je vais argumenter pourquoi cette prise de position et proposer des pistes pour construire un cycle malgré la différence de niveau au sein d’une classe.
Pourquoi ?
Un des objectifs principaux de l’enseignement de l’Éducation Physique et Sportive est de construire une culture sportive commune. Je pose donc la question pourquoi se passer de la pratique sportive la plus culturel en France et au monde. « Le football est un des rares phénomène au monde, peut-être le seul à battre l’hégémonie américaine » (AMRAN.M et AUDUSSE.E, Football un terrain idéal pour l’éducation). Effectivement, cette culture est acquise par le plus grand nombre mais par tous. Le rôle de l’EPS est de lutter contre ses inégalités de pratique car c’est le seul endroit où tous les enfants peuvent pratiquer. Au lieu de bannir ce sport de nos programmations d’EPS et des cours d’école car non inclusive, très genré, je pense qu’il faut au contraire proposer cette activité un maximum lors des cycles EPS et ceci dès l’école maternelle. Coordonner l’action de se déplacer avec la manipulation du ballon est très compliqué pour des néophytes. Développer sa motricité est un autre objectif principal de l’EPS, quelle autre activité peut permettre de développer l’apprentissage de cette motricité ? De plus, permettre à chaque élève de développer cette compétence motrice permettra de ne plus avoir de débutant et réduire un peu l’hétérogénéité des pratiquants de ce sport.
Introduire régulièrement des cycles de ce sport (1 cycle tous les 2 ans dès la moyenne section) permet aux différents élèves de développer cette motricité. Elle permet aussi de travailler sur le fait de jouer avec autrui malgré la différence de niveau, faire de cette pratique discriminante un enseignement inclusif. Le geste de taper dans un ballon avec le pied est une pratique hédoniste à condition de ne pas être juger sur le résultat. Dans la pratique fédérale et la pratique libre, ce sport est très élitiste. Il faut que l’enseignant d’EPS prépare son cycle pour que chaque élève prenne plaisir à jouer malgré un niveau différent des autres. Travailler le vivre-ensemble en prenant le football comme moyen. Bien que difficile à mettre en place, je pense qu’un tel cycle peut avoir des effets bénéfiques sur le groupe classe et notamment durant les temps de récréation car les élèves avec un bon niveau de pratique accepteront plus facilement la participation des élèves novices. Et les élèves ayant un niveau plus faible auront plus confiance en eux pour demander à participer au jeu de football et auront les capacités de trouver des solutions dans un match de cours d’école.
Des pistes pour construire son cycle
- Avoir le matériel nécessaire pour que chaque élève touche un maximum le ballon (1 ballon pour 2 ou 3 élèves). Pour développer une habileté motrice, il faut de la répétition. Elle sera plus importante avec un nombre de ballons suffisants. Cela permettra que les élèves prennent confiance ballon au pied
- Faire des groupes de niveaux, dans un premier temps, dans les jeux où ils sont en opposition direct. Les élèves s’y retrouveront mieux et les élèves « débutant » prendront confiance. Mais l’idée est par la suite de permettre à la classe de jouer ensemble.
- Puis construire des équipes en essayant de les équilibrer. Ces équipes doivent rester les mêmes sur plusieurs séances afin que les élèves apprennent à se connaître dans l’activité.
- Organiser des temps de paroles par équipe sous la direction d’un adulte afin de connaître le ressenti de chacun dans l’équipe, de chercher à ce que chacun trouve sa place au sein du groupe et que l’équipe progresse collectivement.
- S’assurer que chacun ait compris les règles et son rôle dans le jeu (voir vocabulaire en sports collectif). Souvent les problèmes dans le jeu viennent que certains joueurs ne connaissent pas bien les règles ou ne savent comment se placer lorsqu’il est défenseur ou attaquant sans ballon.
- Permettre à chacun d’avoir un autre rôle que joueur (arbitre, observation, comptage des points). Les laisser assumer un autre rôle favorisera leur connaissance des règles ou de l’organisation du jeu. Certains élèves peuvent nous surprendre en tant qu’arbitre, c’est pourquoi il ne faut pas hésiter à les responsabiliser. Une petite formation sur l’arbitrage peut être nécessaire (voir rôle d’un arbitre).
- Adapter les règles des matchs afin de favoriser le jeu de passes et de ne pas avoir de réaction que l’on peut retrouver sur les terrains. Une des règles que j’aime bien et ne pas autoriser à parler en tant que joueur cela permet de limiter les réactions malsaines sur le terrain. Pour favoriser le jeu de passe, nous pouvons limiter le nombre de touches de balles par possession joueur (3 touches pour faire une passe ou marquer). Pour essayer que toute l’équipe marque, l’enseignant peut valoriser les premiers buts de chaque joueur. Le premier but marqué par un joueur compte 5 points (ou 100 points), le deuxième 3 (ou 50 points), les suivant 1 points. De mon côté, j’ai créé un jeu « Match de carte football » où selon la carte tirée le joueur a un rôle, un handicap ou un avantage dans le jeu.
Conclusion
Utiliser le football en Éducation Physique et Sportive est une difficulté sur les premiers cycles construits par l’enseignant. Plus que dans d’autres activités sportives, il y a beaucoup de préjugés présents chez chacun des élèves. Mais il est un formidable moyen de favoriser le vivre-ensemble. L’EPS à l’école est le seul endroit où tous les élèves pourront pratiquer du football.
Pour ma part, j’ai mis en place des cycles football avec des cycles 3. L’idée des enseignants était de favoriser l’intégration de certains sur les parties de football lors des récrés. Nous n’avons pas fait de comparaison chiffrée pour voir si nous avions réalisé notre objectif. Mais le cycle en lui-même a permis de favoriser le jouer ensemble. Les élèves ont adhéré aux jeux.
Je suis en train de réaliser un cycle pour des Moyennes Sections afin de développer la motricité propre au football.
Dernière expérience, je réalise des séances (1 par an) avec d’autres classes dont des classes d’apprentis esthéticiennes (public très majoritairement féminin). Le fait de réaliser dans un cadre classe, sans le regard extérieur des autres leur permet de s’investir dans l’activité et d’y prendre plaisir.
Pour finir, je dirai que les plus grands obstacles au développement de l’utilisation du football en EPS est le manque de formation des enseignants et les préjugés que l’on peut retrouver chez chacun. C’est pourtant un formidable outil pour développer des compétences sportives et sociales.
Et vous qu’en pensez-vous ?